Ferme aquaponique du Pays de Gex : un circuit vertueux économe en eau

Dans l’Ain, Michel Peter a monté l’une des rares fermes aquaponiques de France, qui associe pisciculture et maraîchage en minimisant les impacts sur l’environnement.

Près de la frontière suisse, dans l'Ain, les terres agricoles disparaissent à vue d’œil sous la pression foncière. Mais Michel Peter s’est contenté d’une petite parcelle non cultivable ni constructible pour installer sa ferme aquaponique, la Ferme aquaponique du Pays de Gex, qui fournit des marchés, des magasins et des restaurateurs. Ce qu’il produit sous sa serre de 2 000 m² n’a aucun lien au sol. Le support de production des plantes comme des poissons, c’est l’eau.

Sur 1 500 m² poussent des légumes feuilles, des herbes aromatiques et des fleurs comestibles. Posées sur des radeaux en plastique, les plantes plongent leurs racines directement dans l’eau qui circule dans de grands canaux. L’autre partie de la serre héberge six bacs à truites et un labo pour les transformer sur place.

« Environ 300 m3 d’eau circulent en permanence dans l’installation, explique Michel Peter. L’eau chargée en effluents de poissons nourrit les plantes, qui en retour font de la phytoépuration. Puis l’eau purifiée repart vers les truites. Ainsi, il n’y a pas de prélèvement dans le milieu et, surtout, pas de rejet d’eau chargée en nitrates. On perd seulement 3 à 4 % d’eau en plein été, par évapotranspiration.»

Recyclage de l’eau et de l’engrais

Ce reconverti de l’industrie pétrolière avait à cœur de « faire quelque chose pour laisser un monde plus propre et plus sain » à la génération suivante. Il a créé cette exploitation en 2021 après avoir visité la poignée de fermes aquaponiques existant à l’époque.

Aujourd’hui, d’autres projets sont dans les tuyaux, car ce système sobre en foncier, en eau et en intrants intéresse.

La ferme n’est pas bio à cause de l’absence de lien à la terre, qui est un principe fondateur du label. Elle coche sinon presque toutes les cases de l’écologiquement correct : « La serre n’est ni chauffée ni éclairée et on n’utilise aucun pesticide : la moindre trace tuerait les truites, souligne Michel. Le seul « engrais » acheté est la nourriture des poissons, qui se transforme en effluents. J’ajoute seulement 10 cl de micronutriments (bore, zinc, manganèse…) chaque mois dans les 200 m3 d’eau qui circulent entre les plantes. Pour contrôler les ravageurs, je laisse la serre ouverte afin de laisser entrer le maximum d’insectes : ainsi, ils s’autorégulent. J’introduis aussi des insectes auxiliaires, je dissémine partout des plantes aromatiques — qui ont un effet répulsif —, et j’utilise des purins de plantes et des huiles essentielles. L’absence de terre élimine aussi la problématique du désherbage, et évite certaines maladies»

Soucieux de son impact sur le milieu, il récupère l’eau de pluie et cherche (sans avoir encore trouvé) un matériau susceptible de remplacer le plastique des planches-radeaux qui supportent les plantes. En attendant, la solution choisie est la moins pire : « Le polyéthylène réticulé ne relargue pas de phtalates dans l’eau, et c’est un matériau imputrescible que l’on lave et réutilise presque indéfiniment», souligne l’exploitant.

Côté piscicole, six bacs reçoivent des truites de 150 à 200 g, issues d’écloseries sélectionnées pour leurs garanties sanitaires. Car ici, les antibiotiques n’ont pas droit de cité. Bien que l’élevage ne soit pas certifié, les truites sont nourries de granulés bio et élevées à des densités inférieures aux 25 kg/m3 fixés pour ce label. Les ventes à différents âges permettent de dédensifier les bacs à mesure qu’elles grossissent. « J’adapte aussi le nombre de truites aux besoins du maraîchage : j’en élève plus en été car il y a plus de plantes à nourrir », poursuit Michel.

Les prix pratiqués sont équivalents à ceux des productions bio. Pas question de les brader. Déjà, parce que l’investissement initial s’est élevé à 500 000 €. Ensuite, parce qu’une haute qualité est visée. Et comme la ferme est ouverte aux visiteurs, la transparence et le goût des produits convainquent mieux qu’un label.

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